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LE DERNIER COUP.

berge plate, qui mesurait environ quarante pas de largeur et dominait l’Amazone d’une quinzaine de pieds. Elle était coupée à pic, par conséquent très accore. À sa partie inférieure, le fleuve coulait lentement, en baignant les paquets de roseaux qui hérissaient sa base.

Il n’y avait donc que peu de marge dans le sens de la largeur de cette berge, et celui des deux adversaires qui céderait serait bien vite acculé à l’abîme.

Le signal donné par Manoel, Torrès et Benito marchèrent l’un sur l’autre.

Benito se possédait alors entièrement. Défenseur d’une sainte cause, son sang-froid l’emportait, et de beaucoup, sur celui de Torrès, dont la conscience, si insensible, si endurcie qu’elle fût, devait en ce moment troubler le regard.

Lorsque tous deux se furent rejoints, le premier coup fut porté par Benito. Torrès le para. Les deux adversaires reculèrent alors ; mais, presque aussitôt, ils revenaient l’un sur l’autre, ils se saisissaient de la main gauche à l’épaule… Ils ne devaient plus se lâcher.

Torrès, plus vigoureux, lança latéralement un coup de sa manchetta que Benito ne put entièrement esquiver. Son flanc droit fut atteint, et l’étoffe