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LA JANGADA

On aurait pu croire que dans l’état d’exaltation où se trouvait Benito, il lui aurait été impossible de se contenir, au moment où il se retrouverait en présence de l’aventurier.

Il n’en fut rien.

Dès que le jeune homme se vit devant Torrès, lorsqu’il eut la certitude que celui-ci ne pouvait plus lui échapper, un changement complet se fit dans son attitude, sa poitrine se dégonfla, il retrouva tout son sang-froid, il redevint maître de lui.

Ces deux hommes, depuis quelques instants, se regardaient sans prononcer une parole.

Ce fut Torrès, le premier, qui rompit le silence, et de ce ton d’effronterie dont il avait l’habitude :

« Ah ! fit-il, monsieur Benito Garral ?

— Non ! Benito Dacosta ! répondit le jeune homme.

— En effet, reprit Torrès, monsieur Benito Dacosta, accompagné de monsieur Manoel Valdez et de mon ami Fragoso ! »

Sur cette qualification outrageante que lui donnait l’aventurier, Fragoso, très disposé à lui faire un mauvais parti, allait s’élancer, lorsque Benito, toujours impassible, le retint :

« Qu’est-ce qui vous prend, mon brave ? s’écria Torrès en reculant de quelques pas. Eh ! je crois que je ferais bien de me tenir sur mes gardes ! »