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LA JANGADA

quelque peu incrédule. Vous aviez écrit au juge Ribeiro ?…

— Avant d’être juge de droit de cette province, répondit Joam Dacosta, le juge Ribeiro était avocat à Villa-Rica. C’est lui qui m’a défendu au procès criminel de Tijuco. Il ne doutait pas de la bonté de ma cause. Il a tout fait pour me sauver. Vingt ans plus tard, lorsqu’il est devenu le chef de la justice à Manao, je lui ai fait savoir qui j’étais, où j’étais, ce que je voulais entreprendre. Sa conviction à mon égard n’avait pas changé, et c’est sur son conseil que j’ai quitté la fazenda pour venir, en personne, poursuivre ma réhabilitation. Mais la mort l’a frappé inopinément, et peut-être suis-je perdu, monsieur, si dans le juge Jarriquez je ne retrouve pas le juge Ribeiro ! »

Le magistrat, directement interpellé, fut sur le point de bondir, au mépris de toutes les habitudes de la magistrature assise ; mais il parvint à se contenir et se borna à murmurer ces mots :

« Très fort, en vérité, très fort ! »

Le juge Jarriquez avait évidemment des calus au cœur, et il était à l’abri de toute surprise.

En ce moment, un garde entra dans le cabinet et remit un pli cacheté l’adresse du magistrat.

Celui-ci rompit le cachet et tira une lettre de