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la jangada.

« Voilà ce que j’attendais ! » se dit à part lui le juge Jarriquez.

Et tandis que ses doigts battaient une marche un peu plus accentuée, il fit un signe de tête à Joam Dacosta, qui signifiait clairement : « Allez ! racontez votre histoire ! Je la connais, mais je ne veux pas vous empêcher de la narrer à votre aise ! »

Joam Dacosta, qui ne se méprit pas à cette peu encourageante disposition d’esprit du magistrat, ne voulut pas s’en apercevoir. Il fit donc l’histoire de sa vie tout entière, il parla sobrement, sans se départir du calme qu’il s’était imposé, sans omettre aucune des circonstances qui avaient précédé ou suivi sa condamnation. Il n’insista pas autrement sur cette existence honorée et honorable qu’il avait menée depuis son évasion, ni sur ses devoirs de chef de famille, d’époux et de père, qu’il avait si dignement remplis. Il ne souligna qu’une seule circonstance, — celle qui l’avait conduit à Manao pour poursuivre la révision de son procès, provoquer sa réhabilitation, et cela sans que rien l’y obligeât.

Le juge Jarriquez, naturellement prévenu contre tout accusé, ne l’interrompit pas. Il se bornait à fermer ou à ouvrir successivement les yeux, comme un homme qui entend raconter la même histoire pour la centième fois ; et, lorsque Joam Dacosta