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PREUVES MORALES.

— À cela, monsieur, répondit Joam Dacosta, j’ai donné un prétexte, mais en réalité j’avais un motif.

— Quel a été le prétexte ?

— Le soin de conduire au Para tout un train de bois flotté et une cargaison des divers produits de l’Amazone.

— Ah ! fit le juge Jarriquez, et quel a été le véritable motif de votre départ ? »

Et en posant cette question il se disait : « Nous allons donc enfin entrer dans la voie des négations et des mensonges ! »

« Le véritable motif, répondit d’une voix ferme Joam Dacosta, était la résolution que j’avais prise de venir me livrer à la justice de mon pays !

— Vous livrer ! s’écria le juge, en se relevant sur son fauteuil. Vous livrer… de vous-même ?…

— De moi-même !

— Et pourquoi ?

— Parce que j’en avais assez, parce que j’en avais trop de cette existence mensongère, de cette obligation de vivre sous un faux nom ; de cette impossibilité de pouvoir restituer à ma femme, à mes enfants celui qui leur appartient ; enfin, monsieur, parce que…

— Parce que ?…

— Je suis innocent ! »