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DE ROTTERDAM À COPENHAGUE.

glais dominent comme un soprano aigu sur une basse profonde. Notre yacht était si près du Warrior, qu’à chaque coup de ses gros canons il tremblait jusqu’à sa quille, tandis que l’air, refoulé brutalement, venait nous frapper au visage, comme un souffle d’ouragan.

Cette impression n’est pas sans charme. On est d’abord un peu excité par ces violentes détonations ; mais on s’y fait promptement, on s’en grise, et l’on finit par les trouver encore trop faibles.

Dans ce concert monstre, impossible de découvrir la moindre idée musicale. Tout au plus perçoit-on une gamme peu étendue, formée par les différents calibres des pièces. Lorsque Richard Wagner aura épuisé toutes les ressources actuelles de l’orchestration, quand il aura fait fabriquer des instruments de cuivre tellement volumineux qu’il faudra se mettre une douzaine à souffler dedans pour en tirer un son, il trouvera peut-être dans les canons de trente, de cinquante et même de cent tonnes, des auxiliaires précieux. Ces instruments nouveaux lui seront d’autant plus utiles, que les auditeurs, devenus absolument sourds, applaudiront de confiance aux combinaisons harmoniques, quelquefois extravagantes, du maître allemand.

Mais c’est Thomas Pearkop qu’il fallait voir pen-