Page:Verne - La Jangada, 1881, t2.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

22
LA JANGADA

son dans laquelle il avait été si hospitalièrement reçu, cet établissement dont il faisait la prospérité ! Oui ! tout dire plutôt que de donner à la fille de son bienfaiteur un nom qui n’était pas le sien, le nom d’un condamné à mort pour crime d’assassinat, si innocent qu’il fut devant Dieu !

Mais les circonstances pressaient, le vieux fazender allait mourir, ses mains se tendirent vers les jeunes gens !… Joam Dacosta se tut, le mariage s’accomplit, et toute la vie du jeune fermier fut consacrée au bonheur de celle qui était devenue sa femme.

« Le jour où je lui avouerai tout, répétait Joam, Yaquita me pardonnera ! Elle ne doutera pas de moi un instant ! Mais, si j’ai dû la tromper, je ne tromperai pas l’honnête homme qui voudra entrer dans notre famille en épousant Minha ! Non ! plutôt me livrer et en finir avec cette existence ! »

Cent fois, sans doute, Joam Dacosta eut la pensée de dire à sa femme ce qu’avait été son passé ! Oui ! l’aveu était sur ses lèvres, surtout lorsqu’elle le priait de la conduire au Brésil, de faire descendre à sa fille et à elle ce beau fleuve des Amazones ! Il connaissait assez Yaquita pour être sûr qu’elle ne sentirait pas s’amoindrir en elle l’affection qu’elle avait pour lui !… Le courage lui manqua !