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DE ROTTERDAM À COPENHAGUE.

Ainsi que je vous l’ai déjà expliqué, il faisait autre chose que du pilotage, ou plutôt il essayait de faire autre chose, sans trop y réussir. Son instinct de marin, son amour du métier, reprenait malgré lui le dessus. Il s’occupait de la route, préparait la sonde, relevait le loch, fouillait l’horizon d’un œil toujours infaillible, continuait d’apercevoir les feux et la terre avant tout le monde, et, finalement, donnait son avis au capitaine, qui en profitait ou n’en profitait pas, à son gré.

La navigation de Kiel à Copenhague n’offre aucune difficulté ; seulement, elle demande une surveillance de tous les instants ; en effet, les terres du Danemark, îles ou continents, sont basses, et, dans certaines parties, le chenal est assez étroit.

Cette nuit fut splendide. Nous étions alors dans les plus longs jours de l’année et par cinquante-six degrés de latitude septentrionale. Aussi le soleil ne disparut-il sous l’horizon que fort tard dans la soirée. Mais comme il se fit prier ! Il semblait ne quitter qu’à regret le ciel resplendissant de ses feux. Avec un peu de poésie, mêlée de quelque mythologie, on aurait pu le croire jaloux de sa sœur Phœbé, qui montait, pale et timide, à l’horizon opposé, et attendait sa disparition pour régner en souveraine dans l’azur profond de la nuit.