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LE BAS-AMAZONE.

Enfin, malgré les marées qui, depuis Obidos, commençaient à se faire sentir et retardaient quelque peu la dérive de la jangada, la bourgade de Monte-Alegre fut dépassée, puis celle de Praynha de Onteiro, puis l’embouchure du Xingu, fréquentée par ces Indiens Yurumas, dont la principale industrie consiste à préparer les têtes de leurs ennemis pour les cabinets d’histoire naturelle.

Sur quelle largeur superbe se développait alors l’Amazone, et comme on pressentait déjà que ce roi des fleuves allait bientôt s’évaser comme une mer ! Des herbes, hautes de huit à dix pieds, hérissaient ses plages, en les bordant d’une forêt de roseaux. Porto de Mos, Boa-Vista, Gurupa, dont la prospérité est en décroissance, ne furent bientôt plus que des points laissés en arrière.

Là, le fleuve se divisait en deux bras importants qu’il tendait vers l’Atlantique : l’un courait au nord-est, l’autre s’enfonçait vers l’est, et entre eux se développait la grande île de Marajo. C’est toute une province que cette île. Elle ne mesure pas moins de cent quatre-vingts lieues de tour. Diversement coupée de marais et de rios, toute en savanes à l’est, toute en forêts à l’ouest, elle offre de véritables avantages pour l’élève des bestiaux qu’elle compte par milliers.