Page:Verne - La Jangada, 1881, t2.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

15
LES PREMIERS INSTANTS.

se diriger vers l’embouchure de cet affluent, qui s’ouvrait à douze milles au-dessous sur la rive gauche.

Les amarres, détachées de l’île, furent larguées. La jangada, rejetée dans le lit du fleuve, commença à dériver diagonalement. Araujo, profitant habilement des courbures du courant brisé par les pointes des berges, put lancer l’immense appareil dans la direction voulue, en s’aidant des longues gaffes de son équipe.

Deux heures après, la jangada se trouvait sur l’autre bord de l’Amazone, un peu au-dessus de l’embouchure du rio Negro, et ce fut le courant qui se chargea de la conduire à la rive inférieure de la vaste baie ouverte dans la rive gauche de l’affluent.

Enfin, à cinq heures du soir, la jangada était fortement amarrée le long de cette rive, non pas dans le port même de Manao, qu’elle n’aurait pu atteindre, sans avoir à refouler un courant assez rapide, mais à moins d’un petit mille au-dessous.

Le train de bois reposait alors sur les eaux noires du rio Negro, près d’une assez haute berge, hérissée de cécropias à bourgeons mordorés, et palissadée de ces roseaux à tiges raides, nommés « froxas », dont les Indiens font des armes offensives.

Quelques citadins erraient sur cette berge. C’était, à n’en pas douter, un sentiment de curiosité qui les