Page:Verne - La Jangada, 1881, t2.djvu/216

Cette page a été validée par deux contributeurs.

209
LE CRIME DE TIJUCO.

Ce fut alors qu’il résolut de réparer, en la mesure du possible, l’injustice dont son ancien collègue était victime. Il consigna dans un document tous les faits relatifs à l’attentat de Tijuco ; mais il le fit sous la forme mystérieuse que l’on sait, son intention étant de le faire parvenir au fazender d’Iquitos avec le chiffre qui permettait de le lire.

La mort n’allait pas le laisser achever cette œuvre de réparation. Blessé grièvement dans une rencontre avec les noirs de la Madeira, Ortega se sentit perdu. Son camarade Torrès était alors près de lui. Il crut pouvoir confier à cet ami le secret qui avait si lourdement pesé sur toute son existence, il lui remit le document écrit tout entier de sa main, en lui faisant jurer de le faire parvenir à Joam Dacosta, dont il lui donna le nom et l’adresse, et de ses lèvres s’échappa, avec son dernier soupir, ce nombre 432513, sans lequel le document devait rester absolument indéchiffrable.

Ortega mort, on sait comment l’indigne Torrès s’acquitta de sa mission, comment il résolut d’utiliser à son profit le secret dont il était possesseur, comment il tenta d’en faire l’objet d’un odieux chantage.

Torrès devait violemment périr avant d’avoir accompli son œuvre, et emporter son secret, avec lui.