Page:Verne - La Jangada, 1881, t2.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

14
LA JANGADA

C’était une question à résoudre avant la nuit, et elle devait être examinée de près.

En effet, la nouvelle de l’arrestation de Joam Dacosta avait dû déjà se répandre dans la ville. Qu’elle fût de nature à exciter la curiosité de la population de Manao, cela n’était pas douteux. Mais ne pouvait-elle provoquer plus que de la curiosité contre le condamné, contre l’auteur principal de ce crime de Tijuco, qui avait eu autrefois un si immense retentissement ? Ne pouvait-on craindre quelque mouvement populaire à propos de cet attentat, qui n’avait pas même été expié ? Devant cette hypothèse, ne valait-il pas mieux laisser la jangada amarrée près de l’île Muras, sur la rive droite du fleuve, à quelques milles de Manao ?

Le pour et le contre de la question furent pesés.

« Non ! s’écria Benito. Rester ici, ce serait paraître abandonner mon père et douter de son innocence ! ce serait sembler craindre de faire cause commune avec lui ! Il faut aller à Manao et sans retard !

— Tu as raison, Benito, répondit Manoel. Partons ! »

Araujo, approuvant de la tête, prit ses mesures pour quitter l’île. La manœuvre demandait quelque soin. Il s’agissait de prendre obliquement le courant de l’Amazone doublé par celui du rio Negro, et de