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DERNIERS EFFORTS.

à la dédaigner ; mais si, par suite de circonstances regrettables, cette preuve avait disparu, il se retrouvait dans la situation où il était en passant la frontière du Brésil, cette situation d’un homme qui venait dire : « Voilà mon passé, voilà mon présent, voilà toute une honnête existence de travail et de dévouement que je vous apporte ! Vous avez rendu un premier jugement inique ! Après vingt-trois ans d’exil, je viens me livrer ! Me voici ! Jugez-moi ! »

La mort de Torrès, l’impossibilité de lire le document retrouvé sur lui, n’avaient donc pu produire sur Joam Dacosta une impression aussi vive que sur ses enfants, ses amis, ses serviteurs, sur tous ceux qui s’intéressaient à lui.

« J’ai foi dans mon innocence, répétait-il à Yaquita, comme j’ai foi en Dieu ! S’il trouve que ma vie est encore utile aux miens et qu’il faille un miracle pour la sauver, il le fera, ce miracle, sinon je mourrai ! Lui seul, il est le juge ! »

Cependant l’émotion s’accentuait dans la ville de Manao avec le temps qui s’écoulait. Cette affaire était commentée avec une passion sans égale. Au milieu de cet entraînement de l’opinion publique que provoque tout ce qui est mystérieux, le document faisait l’unique objet des conversations. Personne, à la fin de ce quatrième jour, ne doutait