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DERNIERS EFFORTS.

ne s’était pas abandonné à quelque parti extrême !

Mais, si Fragoso pouvait s’adresser un pareil reproche, que devait donc se dire Benito ? Une première fois, à Iquitos, il avait engagé Torrès à visiter la fazenda. Une deuxième fois, à Tabatinga, il l’avait conduit à bord de la jangada pour y prendre passage. Une troisième fois, en le provoquant, en le tuant, il avait anéanti le seul témoin dont le témoignage put intervenir en faveur du condamné !

Et alors Benito s’accusait de tout, de l’arrestation de son père, des terribles éventualités qui en seraient la conséquence !

En effet, si Torrès eût encore vécu, Benito ne pouvait-il se dire que, d’une façon ou d’une autre, par commisération ou par intérêt, l’aventurier eût fini par livrer le document ? À force d’argent, Torrès, que rien ne pouvait compromettre, ne se serait-il pas décidé à parler ? La preuve tant cherchée n’aurait-elle pas été enfin mise sous les yeux des magistrats ? Oui ! sans doute !… Et le seul homme qui eût pu fournir ce témoignage, cet homme était mort de la main de Benito !

Voilà ce que le malheureux jeune homme répétait à sa mère, à Manoel, à lui-même ! Voilà quelles étaient les cruelles responsabilités dont sa conscience lui imposait la charge !