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UN COUP DE CANON.

que peut-être Torrès, s’il était chargé d’objets pesants, tels qu’une ceinture contenant, de l’argent, de l’or ou des armes, avait pu se maintenir à ces grandes profondeurs.

Tout d’un coup, dans une sombre excavation, il aperçut un cadavre ! oui ! un cadavre, habillé encore, étendu comme eût été un homme endormi, les bras repliés sous la tête !

Était-ce Torrès ? Dans l’obscurité, très opaque alors, il était malaisé de le reconnaître ; mais c’était bien un corps humain qui gisait là, à moins de dix pas, dans une immobilité absolue !

Une poignante émotion saisit Benito. Son cœur cessa de battre un instant. Il crut qu’il allait perdre connaissance. Un suprême effort de volonté le remit. Il marcha vers le cadavre.

Soudain une secousse, aussi violente qu’inattendue, fit vibrer tout son être ! Une longue lanière lui cinglait le corps, et, malgré l’épais vêtement du scaphandre, il se sentit fouetté à coups redoublés.

« Un gymnote ! » se dit-il.

Ce fut le seul mot qui put s’échapper de ses lèvres.

Et en effet, c’était un « puraqué », nom que les Brésiliens donnent au gymnote ou couleuvre électrique, qui venait de s’élancer sur lui.