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LE DINER D’ARRIVÉE.

des paquets de ces roseaux « mucumus » à larges feuilles, dont les tiges élastiques peuvent s’écarter pour donner passage à une pirogue et se referment derrière elle. Il y avait là de quoi tenter un chasseur, car tout un monde d’oiseaux aquatiques voletait entre ces hautes touffes agitées par le courant.

Des ibis, posés dans une attitude épigraphique, sur quelque vieux tronc à demi renversé ; des hérons gris, immobiles au bout d’une patte ; de graves flamants, qui ressemblaient de loin à des ombrelles rosés déployées dans le feuillage, et bien d’autres phénicoptères de toutes couleurs animaient ce marais provisoire.

Mais aussi, à fleur d’eau, se glissaient de longues et rapides couleuvres, peut-être quelques-uns de ces redoutables gymnotes, dont les décharges électriques, répétées coup sur coup, paralysent l’homme ou l’animal le plus robuste et finissent par le tuer.

Il fallait y prendre garde, et plus encore, peut-être, à ces serpents « sucurijus », qui, lovés au stipe de quelque arbre, se déroulent, se détendent, saisissent leur proie, l’étreignent sous leurs anneaux assez puissants pour broyer un bœuf. N’a-t-on pas rencontré dans les forêts amazoniennes de ces reptiles longs de trente à trente-cinq pieds, et même, au dire de M. Carrey, n’en existe-t-il pas dont la longueur atteint