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LA JANGADA.

Cependant, ce n’est pas là l’usage le plus général que l’on fasse des œufs des chéloniens dans les provinces de l’Amazone et du Para. La fabrication de la « manteigna de tartaruga », c’est-à-dire du beurre de tortue, qui peut être comparé aux meilleurs produits de la Normandie ou de la Bretagne, ne consomme pas moins, chaque année, de deux cent cinquante à trois cents millions d’œufs. Mais les tortues sont innombrables dans les cours d’eau de ce bassin, et c’est par quantités incalculables qu’elles déposent leurs œufs sous le sable des grèves.

Toutefois, par suite de la consommation qu’en font non seulement les indigènes, mais aussi les échassiers de la côte, les urubus de l’air, les caïmans du fleuve, leur nombre s’est assez amoindri pour que chaque petite tortue se paye actuellement d’une pataque[1] brésilienne.

Le lendemain, dès l’aube, Benito, Fragoso et quelques Indiens prirent une des pirogues et se rendirent à la grève d’une des grandes îles longées pendant la nuit. Il n’était pas nécessaire que la jangada fit halte. On saurait bien la rejoindre.

Sur la plage se voyaient de petites tumescences, qui indiquaient la place où, cette nuit même, chaque

  1. La pataque vaut 1 franc environ.