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UN CAPITAINE DES BOIS.

Puis, tirant une courte pipe en racine, il la bourra de ce tabac âcre et grossier du Brésil, dont les feuilles appartenaient à cet antique « petun » rapporté en France par Nicot, auquel on doit la vulgarisation de la plus productive et de la plus répandue des solanées.

Ce tabac n’avait rien de commun avec le scaferlati de premier choix que produisent les manufactures françaises, mais Torrès n’était pas plus difficile sur ce point que sur bien d’autres. Il battit le briquet, enflamma un peu de cette substance visqueuse, connue sous le nom d’« amadou de fourmis », que sécrètent certains hyménoptères, et il alluma sa pipe.

À la dixième aspiration, ses yeux se fermaient, la pipe lui échappait des doigts, et il s’endormait, ou plutôt il tombait dans une sorte de torpeur qui n’était pas du vrai sommeil.