— Non, mon cher enfant, répondit le padre Passanha. C’est véritablement voyager avec tout son chez soi !
— Et sans aucune fatigue ! ajouta Manoel. On ferait ainsi des centaines de milles !
— Aussi, dit Minha, vous ne vous repentirez pas d’avoir pris passage en notre compagnie ! Ne vous semble-t-il pas que nous sommes embarqués sur une île, et que l’île, détachée du lit du fleuve, avec ses prairies, ses arbres, s’en va tranquillement à la dérive ? Seulement…
— Seulement ?… répéta le padre Passanha.
— Cette île-là, padre, c’est nous qui l’avons faite de nos propres mains, elle nous appartient, et je la préfère à toutes les îles de l’Amazone ! J’ai bien le droit d’en être fière !
— Oui, ma chère fille, répondit le padre Passanha, et je t’absous de ton sentiment de fierté ! D’ailleurs, je ne me permettrais pas de te gronder devant Manoel !
— Mais si, au contraire ! répondit gaiement la jeune fille. Il faut apprendre à Manoel à me gronder quand je le mérite ! Il est beaucoup trop indulgent pour ma petite personne, qui a bien ses défauts.
— Alors, ma chère Minha, dit Manoel, je vais profiter de la permission pour vous rappeler…