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LE SOIR DU 5 JUIN.

Si le pilote était le directeur matériel de cette immense machine — ne peut-on justement employer cette expression ? — un autre personnage en allait être le directeur spirituel ; c’était le padre Passanha, qui desservait la Mission d’Iquitos.

Une famille aussi religieuse que la famille Joam Garral avait dû saisir avec empressement cette occasion d’emmener avec elle un vieux prêtre qu’elle vénérait.

Le padre Passanha, âgé alors de soixante-dix ans, était un homme de bien, tout empreint de la ferveur évangélique, un être charitable et bon, et, au milieu de ces contrées où les représentants de la religion ne donnent pas toujours l’exemple des vertus, il apparaissait comme le type accompli de ces grands missionnaires, qui ont tant fait pour la civilisation au milieu des régions les plus sauvages du monde.

Depuis cinquante ans, le padre Passanha vivait à Iquitos, dans la Mission dont il était le chef. Il était aimé de tous et méritait de l’être. La famille Garral l’avait en grande estime. C’était lui qui avait marié la fille du fermier Magalhaës et le jeune commis recueilli à la fazenda. Il avait vu naître leurs enfants, il les avait baptisés, instruits, et il espérait bien leur donner, à eux aussi, la bénédiction nuptiale.

L’âge du padre Passanha ne lui permettait plus