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LA JANGADA.

Le document comptait une centaine de ces lignes, qui n’étaient pas même divisées par mots. Il semblait avoir été écrit depuis bien des années, et sur la feuille d’épais papier que couvraient ces hiéroglyphes, le temps avait déjà mis sa patine jaunâtres.

Mais, suivant quelle loi ces lettres avaient-elles été réunies ? Seul, cet homme eût pu le dire. En effet, il en est de ces langages chiffrés comme des serrures des coffres-forts modernes : ils se défendent de la même façon. Les combinaisons qu’ils présentent se comptent par milliards, et la vie d’un calculateur ne suffirait pas à les énoncer. Il faut le « mot » pour ouvrir le coffre de sûreté ; il faut le « chiffre » pour lire un cryptogramme de ce genre. Aussi, on le verra, celui-ci devait résister aux tentatives les plus ingénieuses, et cela, dans des circonstances de la plus haute gravité.

L’homme qui venait de relire ce document n’était qu’un simple capitaine des bois.

Au Brésil, on désigne sous cette appellation « capitães do mato », les agents employés à la recherche des nègres marrons. C’est une institution qui date de 1722. À cette époque, les idées anti-esclavagistes ne s’étaient fait jour que dans l’esprit de quelques philanthropes. Plus d’un siècle devait se passer encore avant que les peuples civilisés les eussent