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LA CHASSE AU MÉTÉORE

Ainsi s’exprima Mitz dans son langage spécial. Et Mr Dean Forsyth, que cette réplique eut le don d’exaspérer, de signifier, en homme qui ne se possède plus :

« Eh bien ! moi, Francis, je te défends de remettre le pied chez le docteur.

— Je regrette de vous désobéir, mon oncle, déclara Francis Gordon, en gardant son calme avec effort, tant le révoltait une telle prétention, mais j’irai.

— Oui, il ira, s’écria la vieille Mitz, quand même vous nous hacheriez tous en morceaux. »

Mr Forsyth dédaigna cette affirmation hasardeuse.

« Tu persistes donc dans tes projets ? demanda-t-il à son neveu.

— Oui, mon oncle, affirma celui-ci.

— Et tu entends toujours épouser la fille de ce voleur ?

— Oui, et rien au monde ne m’en empêchera !

— C’est ce que nous verrons ! »

Et, sur ces paroles, les premières qui indiquassent la résolution de s’opposer au mariage, Mr Dean Forsyth, quittant la salle, prit l’escalier de la tour, dont il referma la porte avec fracas.

Que Francis Gordon fût bien décidé à retourner comme d’habitude dans la famille Hudelson, cela ne faisait pas question. Mais, si, à l’exemple de Mr Dean Forsyth, le docteur allait lui interdire sa porte ? Ne pouvait-on tout craindre de ces deux ennemis aveuglés par une jalousie réciproque, une haine d’inventeurs, la pire de toutes les haines ?

Ce jour-là, que de peine Francis Gordon eut à cacher sa tristesse, quand il se retrouva en présence de Mrs Hudelson et de ses deux filles. Il ne voulut rien dire de la scène qu’il venait de subir. À quoi bon accroître les inquiétudes de la famille, puisqu’il était résolu à ne pas tenir compte des injonctions de son oncle, en admettant qu’elles fussent maintenues par leur auteur ?

Pouvait-il entrer, en effet, dans l’esprit d’un être raisonnable que l’union des deux fiancés pût être empêchée ou même simplement retardée à propos d’un bolide ? À supposer même que Mr Dean Forsyth et le docteur Hudelson ne voulussent point se trouver l’un en face de l’autre pendant la cérémonie, eh bien ! on se passerait d’eux. Après tout, leur présence n’était pas indispensable. L’essentiel, c’était que leur consentement ne fût pas