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LA CHASSE AU MÉTÉORE

celles des bolides du Tucuman et de Duranzo. Qui sait si sa grosseur n’égalait pas, ne dépassait pas celle de l’aérolithe de Castillon dont le diamètre avait été évalué à quinze cents pieds ? Se figure-t-on le poids d’une telle masse ? Or, si ledit météore avait déjà paru au zénith de Whaston, c’est que Whaston était située sous sa trajectoire. Il repasserait donc au-dessus de la ville, pour peu que cette trajectoire affectât la forme d’une orbite. Eh bien ! que précisément à ce moment, il vînt, pour une raison quelconque, à s’arrêter dans sa course, ce serait Whaston qui serait touchée avec une violence dont on ne pouvait se faire une idée ! C’était ou jamais l’occasion d’apprendre à ceux des habitants qui l’ignoraient, de rappeler à ceux qui la connaissaient, cette terrible loi de la force vive : la masse multipliée par le carré de la vitesse, vitesse qui, d’après la loi plus effrayante encore de la chute des corps, et pour un bolide tombant de quatre cents kilomètres de hauteur, serait voisine de trois mille mètres par seconde au moment où il s’écraserait sur la surface du sol !

La presse whastonienne ne faillit pas à ce devoir, et jamais, c’est justice de le reconnaître, journaux quotidiens ne firent une telle débauche de formules mathématiques.

Peu à peu, une certaine appréhension régna donc dans la ville. Le dangereux et menaçant bolide devint le sujet de toutes les conversations sur la place publique, dans les cercles comme au foyer familial. La partie féminine de la population, notamment, ne rêvait plus que d’églises écrasées et de maisons anéanties. Quant aux hommes, ils estimaient plus élégant de hausser les épaules, mais ils les haussaient sans véritable conviction. Nuit et jour, on peut le dire, sur la place de la Constitution comme dans les quartiers plus élevés de la ville, des groupes se tenaient en permanence. Que le temps fût couvert ou non, cela n’arrêtait point les observateurs.

Jamais les opticiens n’avaient vendu tant de lunettes, lorgnettes et autres instruments d’optique ! Jamais le ciel ne fut tant visé que par les yeux inquiets de la population whastonienne ! Que le météore fût visible ou non, le danger était de toutes les heures, pour ne pas dire de toutes les minutes, de toutes les secondes.

Mais, dira-t-on, ce danger menaçait également les diverses régions, et avec elles, les cités, bourgades, villages et hameaux situés sous la trajectoire. Oui, évidemment. Si le bolide faisait,