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LA CHASSE AU MÉTÉORE

— Un met dehors !

— Un météore, Mitz, rectifia Francis en réprimant avec peine une forte envie de rire.

— C’est ce que je dis : un met dehors, répéta Mitz avec conviction. S’il pouvait leur tomber sur la tête et en écraser une demi-douzaine !… Enfin, je te le demande, à toi qui es un savant, à quoi ça sert-il un met dehors ?

— À brouiller les familles », déclara Francis Gordon, tandis que les hourras éclataient de plus belle.

Cependant, pourquoi les deux anciens amis n’accepteraient-ils pas de partager leur bolide ? Il n’y avait aucun avantage matériel, aucun profit pécuniaire à en espérer. Il ne pouvait être question que d’un honneur purement platonique. Dès lors, pourquoi ne pas laisser indivise une découverte à laquelle leurs deux noms seraient restés attachés jusqu’à la consommation des siècles ? Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il s’agissait d’amour-propre et de vanité. Or, lorsque l’amour-propre est en jeu, lorsque la vanité s’en mêle, qui pourrait se flatter de faire entendre raison aux humains ?

Mais enfin était-il donc si glorieux d’avoir aperçu ce météore ? Cela n’était-il pas dû uniquement au hasard ? Si le bolide n’avait pas aussi complaisamment traversé le champ des instruments de Mr Dean Forsyth et de Mr Sydney Hudelson juste au moment où ceux-ci avaient l’œil à l’oculaire, aurait-il été vu par ces deux astronomes qui vraiment s’en faisaient trop accroire ?

D’ailleurs, est-ce qu’il n’en passe pas, jour et nuit, par centaines, par milliers, de ces bolides, de ces astéroïdes, de ces étoiles filantes ? Est-il même possible de les compter, ces globes de feu, qui tracent par essaims leurs capricieuses trajectoires sur le fond obscur du firmament ? Six cents millions, tel est, d’après les savants, le nombre des météores qui traversent l’atmosphère terrestre en une seule nuit, soit douze cents millions en vingt-quatre heures. Ils passent donc par myriades, ces corps lumineux, dont, au dire de Newton, dix à quinze millions seraient visibles à l’œil nu.

« Dès lors, faisait observer le Punch, le seul journal de Whaston qui prît la chose par son côté plaisant, trouver un bolide dans le ciel, c’est un peu moins difficile que de trouver un grain de froment dans un champ de blé, et l’on est fondé à dire qu’ils