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LA CHASSE AU MÉTÉORE

voulût voir si Jenny Hudelson ne se trouvait pas sur la terrasse, et souvent leurs yeux se parlaient à travers les lorgnettes. Il n’y avait pas de mal à cela, je pense.

Il eût été facile d’établir une communication télégraphique ou téléphonique entre les deux maisons. Un fil tendu du donjon à la tour eût transmis de bien agréables propos de Francis Gordon à Jenny et de Jenny à Francis Gordon. Mais Dean Forsyth et le docteur Hudelson, n’ayant point de telles douceurs à échanger, n’avaient jamais projeté l’installation de ce fil. Peut-être, lorsque les deux fiancés seraient époux, cette lacune serait comblée. Après le lien matrimonial, le lien électrique, pour unir plus étroitement encore les deux familles.

Dans l’après-midi de ce même jour, où l’excellente mais acariâtre Mitz a donné au lecteur un échantillon de son éloquence savoureuse, Francis Gordon vint faire sa visite habituelle à Mrs Hudelson et à ses filles — et à sa fille, rectifiait Loo en affectant des airs d’offensée. On le reçut, il est permis de le dire, comme s’il eût été le dieu de la maison. Qu’il ne fût pas encore le mari de Jenny, soit ! Mais Loo voulait qu’il fût déjà son frère à elle, et ce qui se logeait dans la cervelle de cette fillette y était bien logé.

Quant au docteur Hudelson, il était claquemuré dans le donjon depuis quatre heures du matin. Après avoir paru en retard au déjeuner, tout comme Dean Forsyth, on l’avait vu regagner précipitamment la terrasse, toujours comme Dean Forsyth, au moment où le soleil se dégageait des nuages. Non moins préoccupé que son rival, il ne semblait pas qu’il fût disposé à redescendre.

Et cependant, impossible de décider sans lui la grande question qui allait être discutée en assemblée générale.

« Tiens ! s’écria Loo, dès que le jeune homme eut franchi la porte du salon, voilà Mr Francis, l’éternel Mr Francis !… Ma parole, on ne voit que lui ici ! »

Francis Gordon se contenta de menacer du doigt la fillette, et, lorsqu’on fut assis, la conversation s’établit, pleine de simple et naturelle bonhomie. Il semblait qu’on ne se fût pas quitté depuis la veille, et, de fait, en pensée tout au moins, les deux fiancés ne se séparaient jamais l’un de l’autre. Miss Loo prétendait même que « l’éternel Francis » était toujours dans la maison, que, s’il