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LA CHASSE AU MÉTÉORE

anonymes, appartenant à tout le monde, mais il n’était pas rare que leurs observations météorologiques ou astronomiques servissent de thème à des discussions qui dégénéraient parfois assez vite en querelles.

Ce qui eût pu aggraver ces querelles, et même provoquer, le cas échéant, de regrettables scènes, c’eût été l’existence d’une dame Forsyth. Par bonheur, ladite dame n’existait pas, celui qui l’aurait épousée étant resté célibataire, et n’ayant jamais eu, même en rêve, la pensée de se marier. Donc, pas d’épouse Dean Forsyth pour envenimer les choses sous prétexte de conciliation, et, par conséquent, toute chance pour qu’une brouille entre les deux astronomes amateurs pût s’apaiser à bref délai.

Sans doute, il y avait bien une Mrs Flora Hudelson. Mais Mrs Flora Hudelson était une excellente femme, excellente mère, excellente ménagère, de nature très pacifique, incapable d’un propos malséant sur personne, ne déjeunant pas d’une médisance, pour dîner d’une calomnie, à l’exemple de tant de dames des plus considérées dans les diverses sociétés de l’Ancien et du Nouveau Monde.

Phénomène incroyable, ce modèle des conjointes s’appliquait à calmer son mari, lorsqu’il rentrait, la tête en feu, à la suite de quelque discussion avec son intime ami Forsyth. Autre fait singulier, Mrs Hudelson trouvait tout naturel que Mr Hudelson s’occupât d’astronomie et qu’il vécût dans les profondeurs du firmament, à la condition qu’il en descendît lorsqu’elle le priait d’en descendre. Loin d’imiter Mitz qui harcelait son maître, elle ne harcelait point son mari. Elle tolérait qu’il se fît attendre à l’heure des repas. Elle ne maugréait point quand il était en retard, et s’ingéniait à maintenir les plats à un juste degré de cuisson. Elle respectait sa préoccupation, quand il était préoccupé. Elle s’inquiétait même de ses travaux, et son bon cœur lui dictait d’encourageantes paroles lorsque l’astronome semblait s’égarer dans les espaces infinis au point de ne pas retrouver sa route.

Voilà une femme comme nous en souhaitons à tous les maris, surtout quand ils sont astronomes. Malheureusement il n’en existe guère ailleurs que dans les romans !

Jenny, sa fille aînée, promettait de suivre les traces de sa mère, de marcher du même pas sur le chemin de l’existence. Évidem-