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LA CHASSE AU MÉTÉORE

La situation se corsait décidément. Elle ne devait pas en rester là. Dans la nuit du 21 au 22, ce fut un croiseur russe qui survint, lui quatrième. Puis, dans la journée du 22, on vit arriver successivement un navire japonais, un italien et un allemand. Le lendemain 23, un croiseur argentin et un espagnol ne précédèrent que de peu un bateau chilien, suivi de très près par deux autres navires, l’un portugais et le second hollandais.

Le 25 août, seize bâtiments de guerre, au milieu desquels l’Atlantic avait discrètement repris son mouillage, formaient devant Upernivik, une escadre internationale comme n’en avaient jamais vu ces parages hyperboréens. Et chacun d’eux ayant débarqué ses vingt hommes sous la conduite d’un officier, trois cent vingt marins et seize officiers de toutes nationalités foulaient maintenant un sol que n’eussent pu défendre, malgré leur courage, les cinquante soldats groënlandais.

Chaque navire apportait son contingent de nouvelles, et ces nouvelles ne devaient pas être satisfaisantes, à en juger par leur effet. S’il était constant que la Conférence Internationale siégeât toujours à Washington, il ne l’était pas moins qu’elle ne continuait ses séances que pour la forme. Désormais, la parole était à la diplomatie… en attendant, ajoutait-on dans l’intimité, qu’elle appartînt au canon. On discutait ferme dans les chancelleries, et non sans une certaine acrimonie.

À mesure que les navires se succédaient, les nouvelles devaient être plus inquiétantes. On ne savait rien de précis, mais de sourdes rumeurs couraient dans les états-majors et parmi les équipages, et les relations se faisaient chaque jour plus tendues entre les divers corps d’occupation.

Si le commodore américain avait tout d’abord invité à sa table son collègue anglais, et si celui-ci, en lui rendant cette politesse, avait profité de l’occasion pour rendre un cordial hommage au commandant du croiseur français, c’en était fini de ces amabilités internationales. Maintenant, chacun restait cantonné chez soi, attendant de savoir, pour régler sa conduite, de quel côté viendrait le vent, dont les premiers souffles semblaient être précurseurs de tempêtes.

Pendant ce temps, Zéphyrin Xirdal ne décolérait pas. M. Lecœur avait les oreilles rebattues de ses récriminations incessantes et s’épuisait en vain à faire appel à son bon sens.