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LA CHASSE AU MÉTÉORE

expliqua l’astronome de Boston, et que sa chaleur rayonnante se fait sentir jusqu’ici.

— Bon ! s’écria Mr Seth Stanfort, est-ce qu’il nous faudra attendre qu’il se refroidisse ?

— Son refroidissement eût été bien plus rapide s’il fût tombé en dehors de l’île au lieu de tomber dessus », fit observer pour lui-même Francis Gordon, revenant à son opinion favorite.

Lui aussi, il avait chaud, mais il n’était pas le seul. M. de Schnack, M. Wharf transpiraient à son exemple, et de même toute la foule, et tous les Groenlandais qui ne s’étaient jamais vus à pareille fête.

Après avoir soufflé un bon moment, on se remit en route. Encore cinq cents mètres et, au détour de la falaise, le météore apparaîtrait dans toute son éblouissante splendeur.

Malheureusement, au bout de deux cents pas, M. de Schnack, qui marchait en tête, dut s’arrêter de nouveau, et derrière lui, MM. Forsyth et Hudelson, et derrière ceux-ci, toute la foule, furent obligés d’en faire autant. Ce n’était pas la chaleur qui les obligeait à cette seconde halte, mais bien un obstacle inattendu, le plus inattendu des obstacles qu’il eût été possible de prévoir en un semblable pays.

Faite de pieux traversés par trois lignes de fil de fer, une clôture, s’infléchissant en interminable courbe, allait à droite et à gauche aboutir au littoral et barrait le passage de tous côtés. De place en place, des pieux plus élevés que les autres supportaient des écriteaux sur lesquels, en anglais, en français et en danois la même inscription était répétée. M. de Schnack qui avait précisément en face de lui un de ces écriteaux, y lisait avec stupéfaction : « Propriété privée. Défense d’entrer. »

Une propriété privée dans ces lointains parages, voilà qui n’était pas ordinaire ! Sur les côtes ensoleillées de la Méditerranée ou sur celles plus brumeuses de l’Océan, les villégiatures se comprennent. Mais sur les rivages de l’océan Glacial !… Que pouvait bien faire de ce domaine aride et rocailleux son original propriétaire ?

En tout cas, ce n’était pas l’affaire de M. de Schnack. Absurde ou non, une propriété privée lui barrait la route, et cet obstacle tout moral avait brisé net son élan. Un délégué officiel est naturellement respectueux des principes sur lesquels reposent les