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LA CHASSE AU MÉTÉORE

hors de leurs cabines les deux malheureux astronomes, ils les amenaient au grand air sur le spardeck, ils les asseyaient chacun sur un fauteuil, pas très loin l’un de l’autre, en ayant soin de diminuer graduellement cette distance.

« Comment allez-vous ? disait Jenny en ramenant une couverture sur les jambes de Mr Forsyth.

— J’ai bien mal ! » soupirait le malade sans même savoir qui lui parlait.

Et, en accotant le docteur contre des coussins bien disposés :

« Comment cela va-t-il, Mr Hudelson ? » répétait Francis d’un ton affable, comme s’il n’eût jamais été congédié de la maison de Moriss street.

Les deux rivaux restaient là quelques heures, n’ayant qu’une vague conscience de leur voisinage. Pour leur rendre un peu de vie, il fallait que M. de Schnack vînt à passer près d’eux, solide sur ses jambes, sûr de lui comme un gabier qui se rit de la houle, la tête haute de l’homme qui n’a que des rêves d’or, qui voit tout en or. Un mourant éclair passait alors dans les yeux de Mr Forsyth et de Mr Hudelson, qui trouvaient la force de bégayer pour eux-mêmes de haineuses invectives.

« Ce détrousseur de bolides ! » murmurait Mr Forsyth.

« Ce voleur de météores ! » murmurait Mr Hudelson.

M. de Schnack n’y prenait pas garde ; il ne consentait même pas à remarquer leur présence à bord. Il allait et venait dédaigneusement avec l’aplomb d’un homme qui va trouver dans son pays plus d’argent qu’il n’en faudrait pour rembourser cent fois la dette publique du monde entier.

Cependant, la navigation se poursuivait dans des conditions assez heureuses en somme. Il était à croire que d’autres navires, partis des ports de la côte est, remontaient au Nord, en se dirigeant vers le détroit de David, et que d’autres encore, ayant même destination, traversaient en ce moment l’Atlantique.

Le Mozik passa au large de New-York sans s’arrêter, et, cap au Nord-Est, continua sa route vers Boston. Dans la matinée du 30 juillet il vint relâcher devant cette capitale de l’État de Massachusetts. Une journée serait suffisante pour remplir ses soutes, car ce n’est pas au Groënland qu’il aurait pu renouveler son combustible.

Si la traversée n’avait pas été mauvaise, la plupart des passa-