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LA CHASSE AU MÉTÉORE

Il est vrai, immense est cette contrée, dont on ne saurait dire si elle est continent ou île. Il aurait pu arriver que la sphère d’or s’abattît sur un point très éloigné du littoral, à des centaines de lieues vers l’intérieur, et les difficultés eussent été grandes, dans ce cas, pour l’atteindre. Bien entendu, cela va de soi, on aurait vaincu ces difficultés, on aurait bravé les froids arctiques et les tempêtes de neige, et l’on se serait, au besoin, élevé jusqu’au pôle même, à la poursuite de ces milliers de milliards.

Il était, toutefois, fort heureux que l’on ne fût pas obligé à de tels efforts et que le lieu de la chute eût pu être désigné avec autant de précision. Le Groenland suffisait à tout le monde et nul n’enviait la gloire un peu trop froide des Parry, des Nansen, ou autres navigateurs des latitudes hyperboréennes.

Si le lecteur eût pris passage sur le Mozik, au milieu de centaines de passagers, parmi lesquels on comptait quelques femmes, il eût remarqué cinq voyageurs qui ne lui sont pas inconnus. Leur présence, ou tout au moins la présence de quatre de ces passagers, ne l’aurait pas autrement surpris.

L’un était Mr Dean Forsyth qui, en compagnie d’Omicron, voguait loin de la tour d’Elisabeth street ; un autre était Mr Sydney Hudelson qui avait quitté le donjon de Moriss street.

Aussitôt que des compagnies de transport bien avisées eurent organisé ces voyages au Groënland, les deux rivaux n’avaient pas hésité à prendre leur billet d’aller et retour. Au besoin, ils eussent affrété chacun un navire à destination d’Upernivik. Évidemment, ils n’avaient pas l’intention de mettre la main sur le bloc d’or, de se l’approprier et de le rapporter à Whaston. Cependant, ils entendaient se trouver là au moment de la chute.

Qui sait, après tout, si le Gouvernement groenlandais, entré en possession du bolide, ne leur attribuerait pas une part de ces milliards tombé du ciel ?…

Il va de soi que, à bord du Mozik, Mr Forsyth et le docteur s’étaient soigneusement abstenus de choisir des cabines voisines. Au cours de cette navigation, comme à Whaston, il n’y aurait pas entre eux le moindre rapport.

Mrs Hudelson ne s’était pas opposée au départ de son mari, pas plus que la vieille Mitz n’avait dissuadé son maître d’entreprendre ce voyage. Toutefois, le docteur s’était vu en butte à de si pressantes sollicitations de sa fille aînée qu’il avait fini, le