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LA CHASSE AU MÉTÉORE

l’Union, ce que l’on pourrait appeler l’aristocratie américaine, si ce mot ne jurait pas avec les instincts démocratiques des natifs du Nouveau Monde.

Miss Arcadia Walker, originaire du New-Jersey, n’ayant plus que des parents éloignés, libre de ses actions, indépendante par sa fortune, douée de l’esprit aventureux des jeunes Américaines, menait une existence conforme à ses goûts. Voyageant depuis plusieurs années déjà, ayant visité les principales contrées de l’Europe, elle était au courant de ce qui se faisait et se disait à Paris, à Londres, à Berlin, à Vienne ou à Rome. Et, ce qu’elle avait entendu ou vu au cours de ses incessantes pérégrinations, elle pouvait en parler avec des Français, des Anglais, des Allemands, des Italiens dans leur propre langue. C’était une personne instruite, dont l’éducation, dirigée par un tuteur aujourd’hui disparu de ce monde, avait été particulièrement soignée. La pratique des affaires ne lui manquait même pas, et elle faisait preuve dans l’administration de sa fortune d’une remarquable entente de ses intérêts.

Ce qui vient d’être dit de miss Arcadia Walker se fût appliqué symétriquement — c’est le mot juste — à Mr Seth Stanfort. Libre aussi, riche aussi, aimant aussi les voyages, ayant couru le monde entier, il ne résidait guère à Boston, sa ville natale. L’hiver, il était l’hôte de l’Ancien Continent et des grandes capitales, où il avait souvent rencontré son aventureuse compatriote. L’été, il revenait dans son pays d’origine, vers les plages où se réunissent en famille les Yankees opulents. Là, miss Arcadia Walker et lui s’étaient encore retrouvés.

Les mêmes goûts avaient peu à peu rapproché ces deux êtres jeunes et vaillants, que les curieux et surtout les curieuses de la place estimaient si bien faits l’un pour l’autre. Et, en vérité, tous deux avides de voyages, tous deux ayant hâte de se transporter là où quelque incident de la vie politique ou militaire excitait l’attention publique, comment ne se seraient-ils pas convenus ? On ne saurait donc s’étonner que Mr Seth Stanfort et miss Arcadia Walker en fussent peu à peu venus à l’idée d’unir leurs existences, ce qui ne changerait rien à leurs habitudes. Ce ne seraient plus deux bâtiments marchant de conserve, mais un seul et, on peut le croire, supérieurement construit, gréé, aménagé pour courir toutes les mers du globe.