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LA CHASSE AU MÉTÉORE

qu’on appelle des « mouvements divers » en style parlementaire. Très indécis, les autres États. On dut suspendre la séance. Il y eut des conciliabules, des intrigues de couloir… Finalement, afin de reculer tout au moins un vote embarrassant, une motion d’ajournement, déposée par la Suisse, réunit la majorité des suffrages.

On ne discuterait donc cette solution que s’il était impossible de s’entendre sur un partage équitable.

Mais comment, en pareille matière, acquérir la notion de ce qui est équitable et de ce qui ne l’est pas ? Problème éminemment délicat. Sans qu’une opinion précise à cet égard parvînt à se dégager de la discussion, la Conférence Internationale accumula vainement les séances, dont plusieurs furent tumultueuses à ce point que M. Harvey dut se couvrir et quitter le fauteuil présidentiel.

Si ce geste avait été suffisant jusqu’ici pour calmer l’effervescence de l’Assemblée, en serait-il toujours ainsi ? À en juger par la surexcitation des esprits, par la violence des expressions échangées, on pouvait en douter. En vérité, l’énervement général était tel qu’il y avait lieu de prévoir le jour où il faudrait recourir à la force armée, ce qui serait fort dommageable à la majesté des États souverains représentés à la Conférence.

Pourtant, un pareil scandale était dans la logique des choses. Il n’y avait pas de raison pour que l’affolement se calmât. Au contraire, il irait vraisemblablement s’exaspérant de jour en jour, puisque de jour en jour, d’après les notes quotidiennes de J. B. K. Lowenthal, la chute du bolide devait être considérée comme de plus en plus probable.

Après une dizaine de communiqués fort émus, qui relataient à la fois l’ahurissante sarabande du météore et le désespoir de son observateur, celui-ci semblait s’être ressaisi. Tout à coup, dans la nuit du 11 au 12 juin, il avait retrouvé la paix de l’âme, en constatant que le météore, cessant ses pérégrinations fantaisistes, était de nouveau sollicité par une force régulière et constante, qui, pour être inconnue, n’en était plus pour cela contraire à toute raison. Dès cet instant, J. B. K. Lowenthal, se réservant de rechercher plus tard pourquoi ce corps céleste avait été pendant dix jours comme frappé de folie, était revenu à la sérénité qui est l’apanage naturel du mathématicien.