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LA CHASSE AU MÉTÉORE

cris, provocations, menaces de ces enragés. Et sans doute les voies de fait n’étaient pas loin, car, visiblement, les partisans de Mr Dean demandaient qu’à lyncher Mr Hudelson, et les partisans de Mr Hudelson étaient friands de lyncher Mr Forsyth, ce qui eût été une façon ultra-américaine de terminer l’affaire…

Heureusement, les autorités avaient pris leurs précautions. De nombreux policemen intervinrent, avec autant de résolution que d’opportunité, et séparèrent les combattants.

Les adversaires furent à peine écartés les uns des autres, que leur colère un peu superficielle tomba. Comme il leur fallait bien, cependant, conserver un prétexte pour faire le plus de vacarme possible, s’ils cessèrent leurs cris contre le chef du parti qui n’avait pas leur préférence, ils continuèrent à en pousser en l’honneur de celui dont ils avaient adopté le drapeau.

« Hurrah pour Dean Forsyth ! »

« Hurrah pour Hudelson ! »

Ces exclamations se croisaient avec un bruit de tonnerre. Bientôt, elles se fondirent en un seul rugissement :

« À la gare ! » hurlaient les deux partis enfin d’accord.

La foule, aussitôt, s’organisa elle-même en deux cortèges qui traversèrent obliquement la place de la Constitution enfin débarrassée du ballon de Walter Vragg. À la tête de l’un des cortèges paradait Mr Dean Forsyth, et le docteur Sydney Hudelson à la tête de l’autre.

Les policemen laissaient faire avec indifférence, toute crainte de troubles étant écartée. Nul danger, en effet, qu’il survînt une collision entre les deux cortèges, dont l’un conduisait triomphalement Mr Dean Forsyth à la gare de l’Ouest, première étape, pour lui, de San Francisco et du Japon, et dont l’autre escortait non moins triomphalement le docteur Sydney Hudelson à la gare de l’Est, terminus de la ligne de New-York où il s’embarquerait pour la Patagonie.

Peu à peu les vociférations décrurent, puis s’éteignirent dans l’éloignement.

Mr John Proth, qui, sur le pas de sa porte, s’était diverti à regarder la foule tumultueuse, songea alors qu’il était l’heure de déjeuner et fit un mouvement pour rentrer chez lui.

À ce moment, il fut abordé par un gentleman et par une dame