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LA CHASSE AU MÉTÉORE

Plusieurs affaires venaient d’être expédiées au commencement de l’audience et les parties, arrivées en se menaçant du poing, avaient quitté la salle bras dessus, bras dessous, à l’entière satisfaction de Mr Proth. En serait-il ainsi des deux adversaires qui allaient se présenter devant lui ?

« L’affaire suivante, ordonna-t-il.

— Forsyth contre Hudelson et Hudelson contre Forsyth, appela le greffier.

— Que ces messieurs s’approchent », dit le juge, en se redressant sur son fauteuil.

Mr Dean Forsyth et le docteur Sydney Hudelson s’avancèrent hors des groupes de partisans qui leur faisaient escorte. Ils étaient là, l’un près de l’autre, se toisant du regard, les yeux allumés, les mains crispées, tels deux canons chargés jusqu’à la gueule et dont une étincelle suffirait à provoquer la double détonation.

« De quoi s’agit-il, messieurs ? » demanda le juge Proth, qui savait de reste ce dont il retournait.

Ce fut Mr Dean Forsyth qui prit le premier la parole.

« Je viens faire valoir mes droits…

— Et moi, les miens », interrompit aussitôt Mr. Hudelson.

Ce fut, sans transition, un assourdissant duo, dans lequel on ne chantait ni à la tierce, ni à la sixte, mais, contre toutes les règles de l’harmonie, en perpétuelle dissonance.

Mr Proth frappa son bureau à coups précipités d’un couteau d’ivoire, comme fait de son archet un chef d’orchestre qui veut mettre fin à une cacophonie insupportable.

« De grâce, messieurs, dit-il, expliquez-vous l’un après l’autre ! Me conformant à l’ordre alphabétique, je donne la parole à Mr Forsyth ;

Mr Hudelson répondra ensuite à loisir. »

Ce fut donc Mr Dean Forsyth qui exposa l’affaire, le premier, tandis que le docteur ne se contenait qu’au prix des plus grands efforts. Il raconta comment, le 16 mars, à sept heures trente-sept minutes vingt secondes du matin, étant en observation dans sa tour d’Elisabeth street, il avait aperçu un bolide traversant le ciel du Nord au Sud, comment il avait suivi ce météore tout le temps qu’il fut visible, et comment enfin, quelques jours plus tard, il avait envoyé une lettre à l’observatoire de Pittsburg pour signaler sa découverte et en établir la priorité.