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LA CHASSE AU MÉTÉORE

— À dix heures trente-cinq, constata d’un ton sec Mrs Arcadia Stanfort, en montrant du doigt le cadran municipal.

— Et notre rendez-vous était pour dix heures et demie, je le sais, concéda le nouveau venu avec une déférente politesse. Je vous prie de m’excuser, les aérostats n’obéissant pas toujours à nos volontés avec la ponctualité qui serait désirable.

— Je ne me suis donc pas trompée ? C’est bien vous qui étiez dans ce ballon avec Walter Vragg ?

— C’est bien moi.

— M’expliquerez-vous ?…

— Rien de plus simple. Il m’a paru original, voilà tout, d’arriver de cette manière à notre rendez-vous. J’ai donc acheté, à coups de dollars, une place dans la nacelle, contre la promesse de Walter Vragg de me descendre ici à dix heures et demie sonnant. Je pense qu’on peut lui pardonner de s’être trompé de cinq minutes.

— On le peut, concéda Mrs Arcadia Stanfort, puisque vous voilà. Vos intentions n’ont pas changé, je suppose !

— En aucune manière.

— Votre opinion est toujours que nous faisons sagement en renonçant à la vie commune ?

— C’est mon opinion.

— La mienne, c’est que nous ne sommes pas faits l’un pour l’autre.

— Je partage entièrement votre avis.

— Assurément, Mr Stanfort, je suis loin de méconnaître vos qualités…

— Les vôtres, je les apprécie à leur juste valeur.

— On peut s’estimer et ne pas se plaire. L’estime n’est pas l’amour. Elle ne saurait faire supporter une aussi grande incompatibilité de caractères.

— C’est parler d’or.

— Il est évident que si nous nous étions aimés !…

— Ce serait bien différent.

— Mais nous ne nous aimons pas.

— Ce n’est que trop certain.

— Nous nous sommes mariés sans nous connaître, et nous avons eu quelques désillusions réciproques… Ah ! si nous nous étions rendu quelque service signalé capable de frapper notre