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LA CHASSE AU MÉTÉORE

Tout en parlant, Mr John Proth s’était préparé au départ. D’un pas tranquille, il descendit l’escalier, sortit par sa petite porte ouvrant sur Potomac street, et disparut dans le Palais de Justice, qui s’élevait juste en face de sa maison, de l’autre côté de la rue.

La servante n’avait point fait erreur : c’était bien Mrs Arcadia Stanfort, qui, ce matin-là, se trouvait à Whaston, avec Bertha, sa femme de chambre. Toutes deux allaient et venaient d’un pas impatient, en suivant des yeux la longue pente d’Exeter street.

Dix coups sonnèrent à l’horloge municipale.

« Dire qu’il n’est pas encore là ! s’écria Mrs Arcadia.

— Peut-être a-t-il oublié le jour du rendez-vous ? suggéra Bertha.

— Oublié !… répéta la jeune femme d’une voix indignée.

— À moins qu’il n’ait réfléchi, reprit Bertha.

— Réfléchi !… » répéta une seconde fois sa maîtresse avec une indignation encore plus vive. Elle fit quelques pas vers Exeter street, la femme de chambre sur ses talons.

« Tu ne l’aperçois pas ? demanda-t-elle d’un ton impatient au bout de quelques minutes.

— Non, madame.

— C’est trop fort ! »

Mrs Stanfort retourna du côté de la place.

« Non !… personne encore !… personne !… répétait-elle. Me faire attendre… après ce qui a été convenu entre nous !… C’est bien aujourd’hui le 18 mai, pourtant !

— Oui, madame.

— Et il va être dix heures et demie ?

— Dans dix minutes.

— Eh bien ! qu’il ne se figure pas lasser ma patience !… Je resterai ici toute la journée, et plus encore, s’il le faut ! »

Les gens d’hôtel de la place de la Constitution auraient pu remarquer les allées et venues de cette jeune femme, comme ils avaient remarqué, deux mois auparavant, les impatiences du cavalier qui la guettait alors pour la conduire devant le magistrat. Mais maintenant, tous, hommes, femmes, enfants, songeaient à bien autre chose… une chose à laquelle, dans tout Whaston, Mrs Stanfort était sans doute la seule à ne point penser. On ne