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LA CHASSE AU MÉTÉORE

Pour l’instant, il ne songeait guère à choisir, le public. Un seul fait l’intéressait, c’est que l’astéroïde tomberait, et avec lui les milliers de milliards qu’il promenait dans l’espace. Cela, c’était l’essentiel. Pour le surplus, au Japon, en Patagonie, ou n’importe où, on les trouverait toujours, les milliards.

Les conséquences d’un tel événement, le bouleversement économique qu’un si prodigieux afflux d’or ne pouvait manquer de causer, faisaient le sujet de toutes les conversations. En général, les riches étaient désolés en pensant à l’avilissement probable de leur fortune, et les pauvres ravis par la perspective vraisemblablement fallacieuse d’avoir une part du gâteau.

En ce qui concerne Francis, il éprouva un véritable désespoir. Que lui importaient ces milliards et ces billiards ? Le seul bien qu’il désirât, c’était sa chère Jenny, trésor infiniment plus précieux que le bolide et ses détestables richesses.

Il courut à la maison de Moriss street. Là aussi, on connaissait la funeste nouvelle et l’on en comprenait les lamentables conséquences. La brouille violente et sans remède était inévitable entre les deux insensés qui s’attribuaient des droits sur un astre du ciel, maintenant qu’à l’amour-propre professionnel s’ajoutait l’intérêt matériel.

Que de soupirs poussa Francis, en serrant les mains de Mrs Hudelson et de ses aimables filles ! Que de trépignements de colère se permit la bouillante Loo ! Combien la charmante Jenny versa de larmes, que sœur, mère et fiancé furent impuissants à tarir, même quand ce dernier eut solennellement affirmé son inlassable fidélité, et qu’il eut juré d’attendre, s’il le fallait, jusqu’au jour où le dernier sou des cinq mille sept cent quatre-vingt-huit milliards aurait été dépensé par le propriétaire définitif du fabuleux météore, serment imprudent, qui, selon toute apparence, le condamnait à un éternel célibat.