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LA CHASSE AU MÉTÉORE

« Nous allons bien voir !… » murmura-t-il, tout en effectuant d’une main impatiente quelques rapides calculs.

Cela fait, il insinua son bras sous un tas de papiers amoncelés dans l’un des coins, et, d’un geste auquel une longue pratique pouvait seule donner une si grande précision, il envoya le tas dans un autre coin.

« C’est étonnant comme j’ai de l’ordre ! » dit-il avec une évidente satisfaction, en constatant que ce « rangement », conformément à ses prévisions, mettait à découvert une lunette astronomique aussi emmaillotée de poussière qu’une bouteille centenaire.

Amener la lunette devant la fenêtre, la diriger vers le point du ciel qu’il venait de déterminer par le calcul, appliquer son œil à l’oculaire, cela ne demanda qu’un moment.

« Parfaitement exact », dit-il, après quelques minutes d’observation.

Quelques autres minutes de réflexion, puis il prenait délibérément son chapeau et commençait à descendre ses six étages, en route pour la rue Drouot et pour la banque Lecœur, dont cette rue s’enorgueillissait à juste titre.

Zéphyrin Xirdal ne connaissait qu’une façon de faire ses courses. Jamais d’omnibus, de tramways ni de voitures. Quel que fût l’éloignement du but, il s’y rendait invariablement à pied.

Mais, jusque dans cet exercice, le plus naturel et le plus pratique de tous les sports, il ne pouvait faire autrement que de se montrer original. Les yeux baissés, roulant ses larges épaules de droite et de gauche, il allait à travers la ville comme s’il eût été dans un désert. Véhicules et piétons, il les ignorait avec une égale sérénité. Aussi, que de « butor ! », que de « mal appris ! », que de « grossier personnage ! » proférés par des passants bousculés ou dont il avait, avec un peu trop de sans-gêne, écrasé les orteils ! Que d’injures plus énergiques vociférées à son adresse par l’organe enchanteur de cochers contraints d’arrêter court leur attelage, sous peine de donner matière à un fait divers, dans lequel Zéphyrin Xirdal aurait joué le rôle de victime !

Il n’avait cure de tout cela. Sans rien entendre du concert de malédictions qui s’élevait derrière lui, comme le sillage se forme derrière un navire en marche, il continuait imperturbablement son chemin à grandes enjambées égales et solides.