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LA CHASSE AU MÉTÉORE

avec un flair merveilleux, sous mille feuillets plus ou moins froissés, celle de ses études relative à la question soulevée, et remettait l’opuscule à son ami, avec la permission d’en user sans la moindre restriction. Pas une seule fois la pensée ne lui était venue qu’il fît, en agissant ainsi, quelque chose de contraire à ses intérêts.

De l’argent ! Pourquoi faire ? Quand il avait besoin d’argent, il passait chez son parrain, M. Robert Lecœur. S’il avait cessé d’être son tuteur, M. Lecœur était demeuré son banquier, et Xirdal était sûr d’être nanti, en revenant de sa visite, d’une somme sur laquelle il tirait jusqu’à complet épuisement. Depuis qu’il était rue Cassette, il avait toujours procédé ainsi à sa complète satisfaction. Avoir des désirs sans cesse renaissants et être capable de les réaliser, c’est évidemment une des formes du bonheur. Ce n’est pas la seule. Sans l’ombre du plus petit désir, Zéphyrin Xirdal était parfaitement heureux.

Ce matin-là, le 10 mai, cet homme heureux, confortablement assis sur son unique siège, les pieds reposant quelques centimètres plus haut que la tête sur la barre d’appui de la fenêtre, fumait une pipe particulièrement agréable, en s’amusant à déchiffrer des rébus et des mots carrés imprimés sur un papier en forme de sac, dont son épicier l’avait gratifié, en lui délivrant quelque denrée alimentaire. Quand cette occupation importante fut terminée et la solution déchiffrée, il jeta le papier parmi les autres, puis étendit nonchalamment sa main gauche du côté de la table, dans le but obscur d’y récolter quelque chose, n’importe quoi.

Ce que rencontra cette main gauche, ce fut un paquet de gazettes non dépliées. Zéphyrin Xirdal prit au petit bonheur une de ces gazettes, qui se trouva être un numéro du Journal, déjà vieux d’une huitaine de jours. Cette antiquité n’était pas pour effrayer un lecteur qui vivait hors de l’espace et du temps.

Il jeta donc les yeux sur la première page, mais naturellement il ne la lut pas. Il parcourut de la même manière la seconde et toutes les autres, jusqu’à la dernière. Là, il s’intéressa beaucoup aux annonces ; puis, croyant passer à la page suivante, il revint innocemment à la première.

Sans qu’il y pensât, ses yeux tombèrent sur le début de l’article de tête, et une lueur d’intelligence s’alluma dans les grosses pru-