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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

L’aviso se tenait là sous petite vapeur, attendant que le phare voulût bien s’allumer.

Une heure s’écoula. Aucun feu ne parut sur l’île. Le commandant Lafayate ne pouvait se tromper sur sa position… La baie d’Elgor s’ouvrait bien devant lui… Il était bien en dedans de la portée du phare… Et le phare ne s’allumait pas !…

Que dut-on penser à bord de l’aviso, si ce n’est qu’un accident était arrivé à l’appareil ? Peut-être, pendant la dernière tempête qui fut si violente, la lanterne avait-elle été brisée, les lentilles endommagées, les lampes mises hors de service. Jamais, non, jamais, il ne serait venu à l’idée de personne que les trois gardiens eussent été attaqués par une bande de pirates, que deux d’entre eux fussent tombés sous les coups de ces assassins, et que le troisième eût été obligé de s’enfuir pour éviter leur sort.

« Je ne savais que faire, dit alors le commandant Lafayate. La nuit était profonde. Je ne pouvais me hasarder à donner dans la baie. Il me faudrait donc rester au large jusqu’à l’aube. Mes officiers, mon équipage, nous étions dans une mortelle inquiétude, et nous pressentions quelque malheur. Enfin, après neuf heures, le phare brilla… Ce retard ne devait être dû qu’à un accident… Je fis monter la pression, le cap fut mis sur l’entrée de la baie. Une heure plus tard, le Santa-Fé y pénétra. À un mille et demi de la crique, je rencontrai une goélette à l’ancre, qui paraissait abandonnée… J’allais envoyer quelques hommes à bord, lorsque des coups de feu éclatèrent, et ces coups de feu étaient tirés de la galerie du phare !… Nous comprîmes que nos gardiens étaient attaqués, qu’ils se défendaient, et, probablement, contre l’équipage de cette goélette… Je fis mugir la sirène, pour effrayer les agresseurs… et, un quart d’heure après, le Santa-Fé était au mouillage.

— À temps, mon commandant, dit Vasquez.

— Ce qu’il n’aurait pu faire, répondit le commandant Lafayate,