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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

sa fumée s’échappant en volutes épaisses, ce qui montrait qu’il poussait activement ses feux.

Et, que ce steamer fût précisément l’aviso, ni Kongre ni Carcante n’en pouvaient douter. Maintes fois ils avaient vu le navire argentin pendant les travaux de construction, alors qu’il ralliait ou qu’il quittait l’Île des États. D’ailleurs, ce steamer portait directement sur la baie. Si l’intention de son capitaine eût été de donner dans le détroit de Lemaire, il aurait eu le cap plus à l’ouest, et plus au sud s’il avait voulu passer au large de la pointe Several.

« Oui, dit enfin Kongre, c’est bien l’aviso !

— Maudite malchance, qui nous a retenus jusqu’ici ! s’écria Carcante. Sans ces coquins, qui nous ont arrêtés par deux fois, nous serions déjà en plein Pacifique.

— Tout cela, il ne sert à rien de le dire, répliqua Kongre. Il faut prendre un parti.

— Lequel ?

— Appareiller.

— Quand ?

— Immédiatement.

— Mais, avant que nous soyons loin, l’aviso sera par le travers de la baie…

— Oui… mais il restera dehors.

— Et pourquoi ?

— Parce qu’il ne pourra pas relever le feu du phare, et qu’il ne se risquera pas à remonter vers la crique au milieu de l’obscurité. »

Ce raisonnement très juste que faisait Kongre, John Davis et Vasquez le faisaient aussi. Ils ne voulaient point quitter la place tant qu’ils pourraient être vus du haut de la galerie. Dans leur étroite cachette, ils exprimaient précisément la même pensée que le chef des pirates. Le phare aurait dû déjà être allumé, puisque le soleil venait de disparaître. En n’apercevant pas son