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PENDANT TROIS JOURS.

trou, je place ma cartouche, j’allume la mèche et je reviens. Tel est mon projet, que rien au monde ne m’empêchera d’accomplir.

— Il est merveilleux ! s’écria John Davis enthousiasmé. Mais je ne vous laisserai pas courir seul un tel danger. Je vous accompagnerai.

— À quoi bon ? répliqua Vasquez. Un homme passe mieux, quand il est seul, et un homme suffit pour ce que je veux faire. »

Davis eut beau insister, Vasquez demeura inflexible. L’idée était à lui, et il entendait la mettre seul à exécution. De guerre lasse, Davis dut s’incliner.

Au moment le plus sombre de la nuit, Vasquez, après s’être dépouillé de ses vêtements, rampa hors du trou et commença à descendre la pente de la colline. Arrivé à la mer, il se mit à l’eau et nagea d’un bras vigoureux vers la goélette, qui se balançait mollement à une encablure du rivage.

À mesure qu’il s’en rapprochait, la masse du bâtiment se faisait plus noire et plus imposante. Rien ne bougeait à bord. On y veillait pourtant. Bientôt le nageur aperçut nettement la silhouette de l’homme de garde. Assis sur le gaillard d’avant, les jambes pendantes au-dessus de l’eau, le matelot sifflotait une chanson marine dont les notes s’égrenaient, claires dans le silence de la nuit.

Vasquez décrivit une courbe, et, s’approchant du navire par l’arrière, devint invisible dans l’ombre plus opaque projetée par la voûte. Le gouvernail s’arrondissait au-dessus de lui. Il en saisit à pleines mains la surface gluante, et, au prix d’efforts surhumains, réussit à s’élever, en s’agrippant aux ferrures. Parvenu à se mettre à califourchon sur le sommet du safran, il le serra entre ses genoux, comme un cavalier eût serré sa monture. Ses mains ainsi devenues libres, il put prendre le sac fixé sur le sommet de sa tête, et, le retenant entre les dents, en explorer le contenu. Le couteau qu’il en sortit commença aussitôt son œuvre.