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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

quand la brise lui arrivait en risées plus vives. Il devançait alors le jusant, en laissant derrière lui un sillage assez plat, ce qui plaidait en faveur de ses lignes d’eau et permettait de bien augurer pour la suite du voyage.

À six heures et demie, Kongre ne se trouvait plus qu’à un mille de l’extrême pointe. Il voyait la mer se développer jusqu’à l’horizon. Le soleil s’abaissait à l’opposé, et bientôt des étoiles brilleraient au zénith, qui s’assombrissait sous le voile du crépuscule.

Carcante s’approcha en ce moment de Kongre.

« Enfin, nous voici bientôt hors de la baie ! dit-il avec satisfaction.

— Dans vingt minutes, répondit Kongre, je ferai mollir les écoutes, et je mettrai la barre à tribord pour contourner le cap San Juan…

— Est-ce qu’il faudra courir des bords une fois dans le détroit ?

— Je ne le pense pas, déclara Kongre. Aussitôt le cap Saint-Jean doublé, nous changerons les amures, et j’espère bien les garder à bâbord jusqu’au cap Horn. La saison commence à s’avancer, et je crois que nous pourrons compter sur la persistance de ces vents d’est. En tout cas, dans le détroit, nous le ferons autant qu’il le faudra, et il n’est pas à supposer que la brise nous refuse au point de nous contraindre à louvoyer. »

Si, comme il l’espérait, Kongre pouvait éviter de changer ses amures, il gagnerait un temps considérable. Au besoin même, il amènerait ses voiles carrées et ne conserverait que ses voiles auriques et latines : brigantine, trinquette et focs. Ainsi la goélette tiendrait à quatre quarts du vent.

À cet instant, un homme de l’équipage, posté près du bossoir, cria :

« Attention devant ?…

— Qu’y a-t-il ? » demanda Kongre.