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AU SORTIR DE LA BAIE.

douze nœuds à l’heure, disparaissait au large de la pointe Colnett.

Carcante redescendit, après s’être assuré qu’aucun autre navire n’était en vue jusqu’à l’horizon.

Cependant l’heure du renversement de la marée approchait. C’était le moment fixé pour le départ de la goélette… Les préparatifs étaient achevés, les voiles prêtes à être hissées. Une fois amurées et bordées, elles recevraient par le travers le vent retourné et bien établi dans l’est-sud-est et le Carcante cinglerait vers la mer avec du largue dans sa toile.

À six heures, Kongre et la plupart des hommes étaient à bord. Le canot ramena ceux qui attendaient au bas de l’enceinte, puis il fut hissé sur les pistolets.

La marée commençait à se retirer lentement. Elle découvrait déjà l’endroit où l’on avait échoué la goélette pendant ses réparations. De l’autre côté de la crique, les roches montraient leurs têtes pointues. Le vent pénétrait par les coupées de la falaise, et un léger ressac allait mourir au rivage.

Le moment du départ était arrivé, Kongre donna l’ordre de virer au cabestan. La chaîne se raidit, grinça dans l’écubier, et, lorsqu’elle fut à pic, l’ancre fut ramenée au bossoir et traversée en vue d’une navigation qui devait être de longue durée.

Les voiles furent alors orientées, et la goélette, sous sa misaine, sa grande voile, son hunier, son perroquet et ses focs, amurés à tribord, prit de l’erre et commença son mouvement vers la mer.

Le vent soufflant de l’est-sud-est, le Carcante doublerait aisément le cap San Juan. Il n’y avait, d’ailleurs, aucun danger à raser cette partie très accore de la falaise.

Kongre le savait. Il connaissait bien la baie. Aussi, debout à la barre, il laissait audacieusement la goélette porter d’un quart afin d’augmenter sa vitesse dans la mesure du possible.

La marche du Carcante était, en effet, assez irrégulière. Il ralentissait lorsque le vent faiblissait, pour reprendre de l’erre