Page:Verne - L’Invasion de la mer - Le Phare du bout du monde, Hetzel, 1905.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
LES PILLEURS D’ÉPAVES.

de l’horizon indiquait qu’il devait être environ dix heures.

Or, à peine étaient-ils hors de vue, que Kongre, Carcante et le charpentier Vargas tournaient l’angle de la falaise. La chaloupe aurait eu trop à faire contre le vent et la marée qui commençait à monter dans la baie. Ils avaient fait la route à pied, par le rivage. Cette fois ce n’était pas pour piller.

Observer l’état du ciel et l’état de la mer, depuis l’embellie du matin, voilà ce qui les avait décidés à venir, ainsi que l’avait pressenti Vasquez. Assurément, ils reconnaîtraient que le Carcante courait de grands dangers à vouloir sortir de la baie, et qu’il ne pourrait lutter contre les grosses lames déferlant du large. Avant d’être dans le détroit, où, pour gagner vers l’ouest, il trouverait du vent arrière, il lui faudrait doubler le cap San Juan, et il risquerait de faire côte, ou tout au moins de recevoir quelque mauvais coup de mer.

Tel fut bien l’avis de Kongre et de Carcante. Arrêtés près du lieu d’échouage où il ne restait plus que de rares débris de l’arrière du Century, ils avaient peine à se maintenir contre le vent. Ils parlaient avec animation, ils gesticulaient, montraient l’horizon de la main, en reculant parfois, lorsqu’une lame, toute blanche à sa crête, déferlait sur la pointe.

Ni Vasquez ni son compagnon ne les perdirent de vue pendant la demi-heure qu’ils passèrent à surveiller l’entrée de la baie. Ils s’en allèrent enfin, non sans s’être souvent retournés, puis disparurent au tournant de la falaise et reprirent le chemin du phare.

« Les voilà partis, dit Vasquez. Mille millions de trilliards, qu’ils reviennent donc pendant quelques jours encore observer la mer au large de l’île ! »

Mais John Davis secoua la tête. Il était trop évident pour lui que la tourmente aurait pris fin dans quarante-huit heures. La houle serait tombée alors, sinon complètement, assez, du moins, pour permettre à la goélette de doubler le cap San Juan.