Page:Verne - L’Invasion de la mer - Le Phare du bout du monde, Hetzel, 1905.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

— Eh ! nous n’aurons pas perdu au retard…

— Sans doute, mais j’espérais trouver mieux dans un américain de ce tonnage !… Le dernier que nous avons attiré sur les récifs nous a valu cinquante mille dollars…

— Les naufrages se suivent et ne se ressemblent pas ! répondit Carcante avec philosophie. Nous avons eu affaire à des gueux, voilà tout. »

John Davis, exaspéré, avait saisi un revolver, et, dans un mouvement de colère irréfléchie, il aurait cassé la tête au chef de la bande, si Vasquez ne l’eût retenu de nouveau.

« Oui, vous avez raison ! reconnut John Davis. Mais je ne puis me faire à cette idée que ces misérables restent impunis… Et pourtant, si leur goélette réussit à quitter l’île, où les retrouver… où les poursuivre ?

— La tempête ne paraît pas se calmer, observa Vasquez. Même si le vent vient à remonter, la mer restera houleuse pendant plusieurs jours encore… Ils ne sont pas sortis de la baie, croyez-moi.

— Oui, Vasquez, mais ce n’est pas avant le commencement du mois prochain que doit arriver l’aviso, m’avez-vous dit ?

— Peut-être plus tôt, Davis, qui sait ?…

— Dieu le veuille, Vasquez, Dieu le veuille ! »

Ce qui n’était que trop évident, c’est que la tourmente ne perdait rien de sa violence, et, sous cette latitude, même pendant la saison d’été, ces troubles de l’atmosphère durent parfois une quinzaine. Si le vent halait le sud, il amènerait les vapeurs de la mer antarctique, où la saison hivernale ne tarderait pas à commencer. Déjà, les baleiniers devaient songer à quitter les parages polaires, car, dès le mois de mars, les nouvelles glaces se forment en avant de la banquise.

Mais, enfin, il était à craindre que, dans quatre ou cinq jours, il ne se produisît une accalmie, dont la goélette profiterait pour reprendre la mer.