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LES PILLEURS D’ÉPAVES.

par les paquets de mer. Il était néanmoins possible qu’une certaine quantité de provisions fût encore intacte.

En effet, plusieurs des hommes en sortirent des caisses de conserves, quelques barils et fûts qu’ils roulèrent sur le sable et dirigèrent vers la chaloupe. Des ballots de vêtements furent aussi retirés des débris de la dunette et emportés du même côté.

Les recherches durèrent environ deux heures ; puis Carcante et deux de ses compagnons, munis de haches, s’attaquèrent au couronnement qui, par suite de la bande du navire, n’était qu’à deux ou trois pieds du sol.

« Que font-ils donc ? demanda Vasquez. Est-ce que le bâtiment n’est pas assez démoli ? Pourquoi diable vouloir l’achever ?

— Ce qu’ils veulent, je le devine, répondit John Davis, c’est que rien ne reste ni de son nom ni de sa nationalité. C’est qu’on ne sache jamais que le Century s’est perdu dans ces parages de l’Atlantique ! »

John Davis ne se trompait pas. Quelques instants après, Kongre sortait de la dunette avec le pavillon américain trouvé dans la chambre du capitaine, et il déchirait l’étamine en mille pièces.

« Ah ! le gueux ! s’écria John Davis, le pavillon… le pavillon de mon pays ! »

C’est à peine si Vasquez eut le temps de l’arrêter par le bras, au moment où, n’étant plus maître de lui, il allait s’élancer sur la grève !…

Le pillage terminé — et la chaloupe en aurait sa pleine charge — Kongre et Carcante remontèrent au pied de la falaise. En se promenant, ils passèrent deux ou trois fois devant l’entre-deux des roches au fond duquel s’évidait la grotte. Vasquez et John Davis purent alors entendre ce qu’ils disaient :

« Il sera encore impossible de partir demain.

— Oui. Je crains même que ce mauvais temps ne dure quelques jours.