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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

ce qui s’était passé la veille. Il regardait si le courant n’entraînait pas les corps de ses infortunés camarades… Non, le jusant avait déjà fait son œuvre, et ils étaient engloutis dans les profondeurs de la mer !

La situation lui apparaissait dans toute son effrayante réalité. Que pouvait-il faire ?… rien… rien, sinon d’attendre le retour du Santa-Fé. Mais il s’en fallait de deux longs mois encore que l’aviso se montrât à l’ouvert de la baie d’Elgor. En admettant que Vasquez n’eût pas été découvert auparavant, comment lui serait-il possible de pourvoir à sa nourriture ?… Un abri, il le trouverait toujours à l’intérieur de quelque grotte de la falaise, et, d’ailleurs, la belle saison devait se prolonger au moins jusqu’à l’époque de la relève. Mais, si on eût été en plein hiver, Vasquez n’aurait pu résister à ces abaissements de température qui font tomber le thermomètre à trente et quarante degrés au-dessous de zéro. Il serait mort de froid avant même de mourir de faim.

Tout d’abord, Vasquez se mit à la recherche d’un abri. Le logement avait certainement appris aux pirates que le service du phare était confié à trois gardiens. Sans aucun doute, ils voudraient à tout prix se défaire du troisième qui leur avait échappé, et ils ne tarderaient pas à le chercher aux alentours du cap San Juan.

Toute son énergie était revenue à Vasquez. Le désespoir n’avait pas prise sur ce caractère fortement trempé.

Après quelques recherches, il finit par découvrir un évidement étroit d’orifice, d’une profondeur de dix pieds, d’une largeur de cinq à six, près de l’angle que la falaise faisait avec la grève du cap San Juan. Un sable fin en couvrait le sol, qui restait hors d’atteinte des plus hautes marées, et qui ne recevait pas de plein fouet les vents du large. Vasquez s’introduisit dans cette cavité où il déposa les quelques objets emportés du logement, ainsi que le peu de provisions contenu dans son sac.