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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

vent. Oui, s’il halait le sud, et non, s’il se tenait dans le nord et tendait à fraîchir. Dans ce cas, il lui paraîtrait préférable de passer au sud de l’île, ce qui assurerait à la Maule l’abri de la terre. Au surplus, quelle que fût la route choisie, cette traversée, à son estime, ne devait pas durer plus d’une trentaine d’heures, compris la relâche pendant la nuit.

Le soir venu, aucune modification de l’état atmosphérique ne s’était produite. Aucune brume au coucher du soleil, et telle était la pureté de la ligne du ciel et de l’eau qu’un rayon vert traversa l’espace, à l’instant où le disque disparaissait derrière l’horizon.

Il y avait donc apparence que la nuit serait calme, et elle le fut en effet. La plupart des hommes l’avaient passée à bord, les uns dans le poste, les autres dans la cale. Kongre occupait la cabine du capitaine Pailha à droite, et Carcante celle du second à gauche du carré.

À plusieurs reprises, ils vinrent sur le pont observer l’état du ciel et de la mer, s’assurer que, même au plein de la marée, la Maule ne courait aucun risque, et que rien ne retarderait le départ du lendemain.

En effet, le lever du soleil fut superbe. À cette latitude, il est rare de le voir apparaître au-dessus d’un horizon si net.

Dès la première heure, Kongre débarqua avec le canot, et, à travers un étroit ravin, presque à l’amorce du cap Saint-Barthélemy, il gagna l’arête de la falaise.

De cette hauteur, son regard put parcourir un vaste espace de mer sur les trois quarts du compas. À l’est seulement il rencontrait les masses montagneuses qui s’élèvent entre le cap Saint-Antoine et le cap Kempe.

La mer, calme dans la région du sud, était assez houleuse à l’ouvert du détroit, parce que le vent prenait de la force et tendait à fraîchir.

Du reste, pas une voile, pas une fumée au large, et, sans doute,