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V

LA GOÉLETTE « MAULE ».

Kongre n’en était plus à connaître le métier de marin. S’il avait commandé, quel navire et dans quelles mers ? Seul Carcante, marin comme lui, autrefois son second au cours de sa vie errante, comme il l’était encore sur l’Île des États, eût pu le dire. Mais il ne le disait pas.

Assurément, ce n’eût pas été calomnier ces deux misérables que de leur jeter à la face le nom de pirates. Cette criminelle existence, ils devaient l’avoir menée dans ces parages des Salomon et des Nouvelles-Hébrides, où les navires étaient encore fréquemment attaqués à cette époque. Et, sans doute, ce fut après avoir échappé aux croisières organisées par le Royaume-Uni, la France et l’Amérique dans cette partie de l’Océan Pacifique, qu’ils vinrent se réfugier dans l’archipel magellanique, puis sur l’Île des États, où de pirates ils se firent pilleurs d’épaves.

Cinq ou six des compagnons de Kongre et de Carcante avaient également navigué comme pêcheurs ou matelots du commerce, et, par conséquent, étaient faits à la mer. Quant aux Fuégiens, ils compléteraient l’équipage, si la bande parvenait à s’emparer de la goélette.

Cette goélette, à en juger par sa coque et sa mâture, ne devait pas porter plus de cent cinquante à cent soixante tonneaux. Une rafale de l’ouest l’avait poussée pendant la nuit sur un banc de sable semé de roches contre lesquelles elle aurait pu se fracasser. Mais il ne semblait pas que sa coque eût souffert.